- Alimentation
Calmer ses envies de sucre : pourquoi, comment ?
Le sucre occupe une place généreuse dans notre alimentation. Il y a notre consommation consciente et celle dont nous avons moins conscience : les sucres cachés. L’industrie agroalimentaire utilise en effet le sucre à des fins diverses : goût, texture, conservation, coloration.
A côté de nos besoins physiologiques, le sucre répond parfois à des besoins émotionnels qui peuvent entrainer des dérapages. Autrement dit, le sucre est nécessaire, mais pas forcément sous toutes ses formes, et seulement dans certaines proportions. Au-delà, il expose à l’installation insidieuse de méfaits potentiellement dangereux.
le sucre : oui mais pas trop
Il fait partie des nutriments de base
Il est une source d’énergie essentielle pour nos cellules. Pour pouvoir être digéré, passé dans le sang et être utilisé, il doit être transformé en glucose. Certains sucres le sont très vite, d’autres beaucoup plus lentement, parce qu’ils demandent plus de travail à l’organisme. Une fois dans la circulation, le glucose est directement utilisé pour répondre à nos besoins en énergie. Le surplus non consommé immédiatement est mis en réserve, stocké dans le foie, les muscles, les tissus graisseux. En cas de besoin d’énergie, il est restitué et mis à disposition. Le glucose occupe la majorité des apports énergétiques journaliers recommandés, de 45 à 50 %, devant les protéines et les lipides.
Il est le principal carburant du cerveau qui, pour bien fonctionner, a besoin d’environ 120 g de glucose par jour, soit plus de la moitié des apports totaux recommandés. Le cerveau ne possède pas de réserve énergétique et a besoin de renouveler son stock de glucose toutes les 10 minutes.
Il intervient dans le bon fonctionnement de nos neurotransmetteurs. Ces messagers chimiques voyagent pour délivrer des informations de notre cerveau à nos cellules. Le glucose est nécessaire à certains d’entre eux, notamment au tryptophane, celui qui permet la fabrication de la sérotonine. Encore appelée hormone, elle intervient dans de nombreux domaines :
- dans la modulation de nos humeurs
- le sommeil
- elle limite les tendances dépressives
- elle limite les pulsions sucrées
Finalement, pour que ce tryptophane, issu de l’alimentation soit bien absorbé, il faut de l’insuline qui elle-même est sécrétée en présence de glucose.
Il est à consommer avec modération
Tous les sucres n’ont pas les mêmes effets. Ceux qui ont un index glycémique (IG) bas se diffusent lentement dans le sang. Ils viennent couvrir les besoins de façon progressive. Ils sont donc à privilégier.
Ceux qui ont un index glycémique élevé, arrivent très vite dans la circulation. Face à une glycémie élevée, une dose d’insuline est libérée dans le sang pour que le taux de sucre diminue. Le sang se retrouve alors vite avec une glycémie trop basse, d’où l’hypoglycémie réactionnelle et le besoin de manger du sucre à absorption rapide. On retombe alors dans le précédent schéma. C’est ainsi que certains petits déjeuners, trop sucrés, provoquent le coup de fatigue de 10h.
A force de répétition, et d’une consommation trop importante, des problèmes apparaissent :
- épuisement du pancréas
- résistance à l’insuline générant possiblement du diabète
- prise de poids
- troubles hépatiques
- déstabilisation de la flore intestinale : gaz, ballonnements
- baisse de l’immunité
- candidose
- troubles ORL
Le sucre entraine aussi :
- l’acidification de l’organisme. L’équilibre sanguin acide-base est indispensable. Le sucre déstabilise cet équilibre au profit des acides. Le sang doit alors trouver des molécules basifiantes : il va puiser dans les réserves minérales, provoquant à terme une déminéralisation avec elle aussi des conséquences dont la plus connue est la fragilité osseuse
- douleurs articulaires, phénomènes inflammatoires, eux-mêmes au cœur des maladies chroniques, du cancer, du surpoids, de la dérégulation du cycle de l’insuline, qui elle aussi génère de l’inflammation. Un cercle vicieux s’installe alors progressivement.
- un vieillissement cellulaire accéléré
- des troubles digestifs, remontées acides
Pourquoi l’aime -t-on autant ?
Il peut être un aliment refuge, qui réconforte émotionnellement. Comment ? parce qu’il active au niveau du cerveau le système de récompense, celui qui permet de se sentir bien, en activant l’hormone du plaisir : la dopamine.
Mais au fil du temps, les récepteurs de cette dopamine fatiguent, la tolérance au sucre augmente et il en faut plus pour obtenir le même niveau de plaisir. On parle ainsi d’accoutumance. Le terme dépendance souvent utilisé fait débat. Face à la fatigue, au stress, aux contraintes, le sucre peut être une source de plaisir facile et rapide.
Le besoin psychologique de sucre génère aussi un besoin physiologique. Pour répondre au stress le corps mobilise les systèmes nerveux et hormonal pour produire de l’énergie, et puise dans les réserves de glucose.
Par ailleurs, on peut avoir besoin de sucre à certains moments de la journée sans qu’il s’agisse réellement de pulsion gourmande. Si l’hormone sérotonine vient à manquer, le corps peut avoir besoin de glucose, qui va faciliter sa synthèse, son absorption. Son pic de sécrétion, en fin de journée, peut provoquer l’envie d’aliments sucrés. Le goûter, qui n’est pas du grignotage, peut être le bon moment de se faire plaisir. La plaque de chocolat devant la télévision le soir peut aussi être l’expression d’un besoin pour la fabrication de cette sérotonine.
Comment se détacher du sucre ?
Pour adopter de nouvelles habitudes alimentaires, il vaut mieux choisir une période favorable et se sentir prêt. On peut procéder par étape. Certains vont plus vite que d’autres dans leur réforme alimentaire.
Faites la chasse au sucres cachés
. Certains aliments sont sucrés alors qu’ils n’auraient pas vocation à l’être, tels les produits salés : charcuteries, soupes, sauces, pain de mie etc.
Se détourner des aliments industriels permet déjà d’éliminer une bonne dose de sucre ajouté. Posez-vous la question : dans tel aliment fait maison (soupe, pizza, vinaigrette …) ajouteriez-vous du sucre ? Consultez les étiquettes et méfiez-vous des différentes appellations :
- dextrose
- fructose
- saccharose (sucre de table)
- glucose
- lactose
- maltose
- maltodextrine
- sirop de glucose
- sirop de maïs (teneur en fructose)
Les plats préparés à base de poisson, viande sont riches en sucre ajouté. Il s’agit de tous ceux qui sont ajoutés aux aliments et boissons par le fabricant au cours du procédé industriel, par le cuisinier ou le consommateur, etc. Pour repère : l’OMS recommande de consommer au maximum 6 cuillères à café de sucres ajoutés par jour ce qui représente 25 g. Cette quantité correspond à un besoin d’énergie moyen chez un adulte ayant une activité modérée. Chez les enfants, il est conseillé de ne pas dépasser les 3 cuillères à café (12 g). Les crèmes desserts, sodas, sirops, céréales du petit déjeuner sont des bombes à sucre.
La dose recommandée n’inclut pas les sucres des fruits s’ils sont consommés entiers, car ils conservent leurs fibres alimentaires. En revanche, les jus de fruits sont comptés dans ces 25 g. Les sucres du lait, le lactose, sont aussi exclus de cette somme maximale.
Préférez les aliments non raffinés
Les céréales complètes ou semi complètes (riz, pâtes, pain) ont un index glycémique moins élevé que les produits raffinés, car ils conservent leurs fibres qui ralentissent la digestion.
Le pain complet est préférable au pain blanc qui a un index glycémique élevé et peut contenir du sucre ajouté. Les légumineuses et les oléagineux ont un index glycémique faible et sont rassasiants.
Réaménagez vos repas
Un petit déjeuner salé est bien plus nourrissant et évite le coup de barre et la fringale de 10h qui porte au grignotage. Les protéines le matin (viande blanche, œufs, fromages …) et des matières grasses comme le beurre et le fromage répondent aux besoins en termes de chrono nutrition. Le pain confiture, ou miel, accompagné d’un jus de fruits, les viennoiseries ou autres gâteaux induisent un pic glycémique qui provoque une hypoglycémie et le besoin de manger. En cas d’absence de petit déjeuner, préférez un fruit, des oléagineux plutôt que des biscuits en collation.
Les repas bien équilibrés qui permettent de se sentir rassasié, avec des protéines, des légumes et des céréales ou légumineuses sont rassasiants. Ces apports nutritionnels évitent les fringales et grignotage entre les repas et, autant que possible les desserts. A défaut une compote maison sans sucre ajouté, une tarte maison aux fruits et sans sucre apportent un meilleur équilibre. Les desserts maison peuvent être allégés en sucre avec l’utilisation d’épices comme la cannelle, le gingembre, la vanille, la fleur d’oranger qui relèvent, des jus de citron, d’orange, et quelques pépites de chocolat noir … Les yaourts, fromages blancs peuvent être sucrés avec des fruits frais ou des compotes sans sucre ajouté.
Le goûter n’est pas à bannir et c’est sûrement le meilleur moment pour un aliment plaisir. Les récepteurs à insuline sont moins actifs, donc la glycémie s’élève moins rapidement et la production de sérotonine de fin de journée s’en trouve favorisée. Le carré de chocolat noir trouve sa place, les fruits et oléagineux également. Un goûter sucré permet plus facilement de se passer de dessert au dîner.
Quel sucre pour la maison ?
Le moins raffiné et le plus naturel possible, ce qui exclut le sucre blanc, cariogène et à IG élevé. Attention au sucre roux : il peut s’agir d’un sucre blanc, donc raffiné, dépourvu de ses fibres, vitamines et minéraux, qui a été caramélisé.
Le rapadura ou muscovado est un sucre complet, intégral à privilégier. Il est très coloré avec une odeur qui rappelle le caramel ou le réglisse. Plus goûteux, on l’utilise à moindre dose que le sucre blanc ou roux.
Le miel, même s’il est réputé pour ses qualités sur l’immunité et la vitalité est riche en glucose/fructose et se consomme avec modération, son IG étant élevé. Associé à d’autres aliments, il favorise les fermentations, donc, gaz et ballonnements.
Le sirop de glucose/fructose est à éviter. On le retrouve dans les sucreries, viennoiseries, boissons et sodas … Son IG élevé favorise l’hyperglycémie, puis l’hypoglycémie réactionnelle. Il est source de fermentation.
Le sirop d’agave a un pouvoir sucrant supérieur au sucre blanc, donc on en met moins. Son IG, à l’origine réputé faible, peut varier en fonction de son mode de fabrication. Assez riche en fructose, il est source de fermentations quand il est associé au bol alimentaire.
Le sirop d’érable a un IG plus faible que le sucre blanc et un pouvoir sucrant plus élevé ce qui en fait un produit intéressant, mais le sirop d’érable traditionnel est rare. Avec les procédés de fabrication industriels, il peut être riche en additifs.
Le sucre de coco est très intéressant en termes d’IG.
Rapadura ou sucre de coco, même si on leur accorde la priorité, restent à consommer avec parcimonie.
Les édulcorants sont-ils une solution
? Ils ne font pas monter la glycémie mais ne permettent pas de se déshabituer du goût sucré. Ils constituent une tromperie pour le cerveau, qu’il analyse parfaitement. Les récepteurs du goût perçoivent la saveur sucrée et préviennent le cerveau. Il déclenche le processus physiologique qui permet de digérer et d’assimiler le sucre qui, en réalité, n’arrive pas. Ce système entretient une sensation de faim, de grignotage, l’envie de sucre et la prise de poids. Au final, les faux sucres amènent à consommer de manière différée plus de sucre. Pour ces raisons, il faut aussi se méfier des édulcorants naturels, telle la stévia.
Pour réfréner ses envies sucrées
Certaines substances ou plantes peuvent avoir un effet régulateur comme le chrome, le griffonia, la gymnéma, les bourgeons de figuier, la cannelle. Il faut consulter un professionnel pour être sûr de pouvoir les consommer. Des interactions sont possibles.
Rééquilibrer ses repas peut sembler compliquer, comme tout changement d’habitudes. C’est finalement à la portée de tous à condition de se respecter : en allant à son rythme, en commençant par modifier ce qui paraît le plus facile, étape par étape. Il est important aussi de comprendre ses pulsions sucrées. Elles peuvent résulter d’un manque de sérotonine. Les troubles de l’intestin, le manque de nutriments essentiels, un stress répété ou chronique, une prédisposition familiale peuvent être à l’origine d’une carence. Pour les stressés, les techniques de lâcher prise peuvent aider à limiter les envies de sucre.
Manger au calme et en conscience, en mastiquant bien permet de ressentir le rassasiement, et de se poser la question au moment du dessert : en ai-je besoin ? ai-je encore faim ? ai-je envie de me rassurer, ou de contrarier mes besoins en ne me respectant pas ?
Ne pas s’interdire le petit plaisir sucré de temps en temps, sans culpabilité permet aussi de contrôler ses pulsions car la privation conduit parfois à l’excès ultérieur. Contrôler sa consommation de sucre ne signifie pas s’en priver !