Téléphoner, travailler ou conduire
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Publié le 5min

Téléphoner, travailler ou conduire : il faut choisir

On le sait tous, téléphoner au volant est dangereux, donc interdit. Pour autant, trop pressés, trop bavards, les raisons d’outrepasser la règle sont nombreuses. Travailler en conduisant devient habituel. En bon professionnel, on appelle un client, un collaborateur, on participe à une réunion, on répond aux SMS. A ces « bonnes » raisons s’ajoutent parfois le besoin de se distraire et le sentiment d’être meilleur conducteur que les autres. A retenir : 16% des accidents sur autoroute sont dus au téléphone. 
Le téléphone au volant : quels sont les impacts et les risques sur la conduite ? Que dit exactement la règlementation ? Quelles sont les sanctions et quels sont les conseils pour conduire en sécurité ?

Téléphone, écrans : quels impacts sur la conduite ?

Une étude réalisée pour une société d’autoroute en octobre 2021 auprès de 850 automobilistes établit que plus de 80 % des conducteurs utilisent leur téléphone en conduisant, dont 84 % pour les 25 / 34 ans. 15 % des personnes interrogées reconnaissent l’utiliser davantage depuis la crise sanitaire. 10 % avouent participer parfois à une visioconférence au volant. Le télétravail ne se fait pas seulement de chez soi, il se poursuit en voiture.

Téléphoner au volant multiplie par 3 le risque d’accident . Détourner le regard de la route diminue la vigilance et augmente le temps de réaction : le temps qui s’écoule entre la perception d’un danger et la réaction qui permet de l’éviter. Ce temps est d’une seconde pour un adulte vigilant. Il augmente de 30 à 50 % avec l’usage du téléphone. Corrélativement, le temps de freinage augmente forcément lui aussi.

La distraction de l’esprit entame la faculté d’anticipation. En effet, en regardant normalement la route, notre cerveau peut, à partir de quelques informations visuelles, anticiper très rapidement l’évolution d’une situation, mais cette prédiction n’est valable que sur un temps très court, là encore, environ une seconde.

distance de sécurité routière

En roulant à 50 km/heure, les 14 mètres normalement parcourus pendant le temps de réaction d’une personne attentive passent à 21 mètres. Ces 7 mètres d’écart peuvent être fatals, au conducteur, à ses passagers, à tout autre personne.

Quitter la route du regard pendant 5 secondes augmente par 23 le risque d’accident. Le téléphone au volant fait perdre au conducteur entre 30 et 50 % des informations liées à l’environnement, nécessaires pour une conduite en toute sécurité. On regarde moins les rétroviseurs, le champ de vision et la vigilance sur les angles morts sont réduits, ce qui induit que le cycliste ou le piéton qui arrive de façon intempestive peut ne pas être vu à temps.

Le téléphone au volant peut avoir d’autres conséquences dangereuses comme ne pas respecter les distances de sécurité, la signalisation, les limitations de vitesse, les règles de dépassement, dévier de sa trajectoire, créer des difficultés d’insertion dans le flux de circulation, refuser des priorités, etc.

Ces manquements et incivilités sont par ailleurs source de stress et de tensions, accentués en cas de conversations ou d’échanges houleux, ce qui est susceptible d’entraver un peu plus les règles de bonne conduite.

Selon une étude menée en neuroscience, la dangerosité tient aussi au fait que le conducteur reste distrait encore plusieurs secondes après avoir conclu sa conversation ou que ses consultations d’écran soient terminées.

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Pourquoi de tels comportements ?

Plusieurs constats :

  • Le phénomène est sociétal : l’utilisation du smartphone et appareils connectés est une addiction, environ 4h20 par jour. Dans cette mouvance, et dans l’esprit d’un large public, son utilisation au volant tombe dans le champ de la normalité.
  • Autre croyance : nous pensons que conduire ne demande pas une attention continue. Les gestes, comme passer une vitesse, sont souvent réalisés quasi automatiquement. Conduire devient la mise en œuvre d’une succession d’automatismes. En utilisant le téléphone au volant, nous n’avons pas conscience de la perte d’attention et du niveau de vigilance qu’il convient d’observer en conduisant.
  • Pendant les longs trajets sur l'autoroute ou même les trajets du quotidien, la sensation de routine peut donner envie de se distraire. En effet, on a parfois l’impression que la voiture est « en pilotage automatique » et on arrive à destination sans se souvenir du trajet. Pour autant, même si on ne s’en souvient pas, la prise d’information régulière se fait en continu, mais sans être mémorisée, d’où l’importance de ne pas détourner le regard. Toutes les ressources cognitives non utilisées par le cerveau pour et pendant la conduite peuvent être utilisées pour alimenter nos pensées, réflexions. Le cerveau est capable de se centrer sur le contexte de la conduite, sur ce qui se passe dans l’immédiat, tout en nous permettant de réfléchir sur autre chose. Mais la capacité de réaction, en gardant la vue sur la route, demeure pour assurer la sécurité (sauf à être complètement dans ses rêves).
  • L’autocomplaisance que chacun développe envers soi-même pousse à considérer que ce sont les autres qui ont des conduites dangereuses. Nous n’avons que très peu conscience de nos manquements. Le biais de l’autocomplaisance est bien connu en psychologie. Il tend à faire penser que tout ce qui est « bien » vient de soi, tout ce qui ne l’est pas vient des autres.

Téléphone, GPS et autres écrans, quelles règles, quelles sanctions ?

La règlementation est claire, pas de téléphone au volant.

Pour téléphoner en conduisant, il faut disposer d’un kit sans fil bluetooth. Pour les motos, le principe est identique, il faut un kit bluetooth intégré au casque. Même avec ce dispositif, le conducteur peut être tenu responsable et poursuivi en cas d’accident s’il est rapporté que son utilisation a entrainé de l’inattention. Le kit main libre, les écouteurs, oreillettes, sont donc interdits et même pour les 2 roues : moto, scooter, vélo.

S’arrêter sur le bord de la route pour téléphoner est également interdit. A l’arrêt, même avec les warnings, le véhicule est toujours considéré en circulation, et le conducteur passible des mêmes sanctions. Pour téléphoner, il faut se garer sur un parking, ou sur une aire d’autoroute, en aucun cas, sur la bande d’arrêt d’urgence.

 

Les sanctions

Dans ces différentes situations, téléphoner en conduisant, utiliser des oreillettes, être arrêté sur le bord de la route, donnent lieu à :

  • Une amende de 135 €
  • Un retrait de 3 points sur le permis de conduire.

Avoir en main son téléphone, sans téléphoner, et commettre une autre infraction peut entrainer une suspension de permis de 6 mois maximum. En cas de dommages corporels, la suspension peut être d’un an. Dans les cas les plus graves, les faits peuvent être requalifiés en délit, avec amende de 15 000 à 150 000 euros, retrait du permis, peine de prison.

 

L'utilisation du GPS

L’utilisation du GPS est bien sûr autorisée et pour plus de sécurité, il doit être situé le plus près possible du champ de vision, sans obstruction de la visibilité sur la route. La loi est claire et interdit de regarder un écran qui ne constitue pas une aide à la conduite. L’utilisation de tout autre écran est donc interdite pour le conducteur, sous peine d’une saisie possible de l’appareil, de 1500 euros d’amende maximum et du retrait de 3 points du permis.

Quelles recommandations pour éviter le téléphone au volant ?

La sécurité passe par une conduite vigilante et des comportements responsables. On conduit ou on utilise son téléphone.

Comment fait-on ?

Avant le départ :

  • On passe ses coups de fil importants, on consulte ses e-mails, sa messagerie et éventuellement on y répond.

  • On fait les réglages du GPS.
  • On éteint son téléphone ou on le règle en mode avion.
  • Si on est accompagné, on peut laisser le passager répondre si un appel arrive. S’il ne peut répondre, on applique la recommandation précédente.
  • Il est possible de télécharger des applications « mode conduite ». Elles permettent de délivrer un message à ceux qui appellent pour leur signifier que la personne contactée est au volant.

Lors des pauses, une fois stationné, on peut utiliser son téléphone mais si l’interlocuteur est lui en train de conduire, on met immédiatement fin à la conversation. Si les réglages du GPS doivent être ajustés, on profite des pauses ou on se gare sur un parking. Pour ceux qui savent qu’ils vont « craquer », il y a une solution radicale : mettre le téléphone dans le coffre.

 

Le droit à la déconnexion

Laisser son téléphone le temps de ses déplacements présente divers avantages, au-delà de l’aspect sécuritaire.

D’abord, parce qu’il n’est pas facile de se « déconnecter », même si c’est indispensable. Le temps de conduite en est l’occasion. Entre les innombrables sollicitations, notre esprit a besoin de faire des pauses.

Devant les objectifs de performance et d’anticipation, nous pensons que notre présence physique et virtuelle est nécessaire tout le temps, partout, avec tout le monde.

Ensuite, parce que notre préoccupation à être « multitâches / multifonctions » nous éloigne de l’expérience d’être dans le moment présent, de vivre pleinement la situation dans laquelle nous nous trouvons. Conduire est l’occasions d’être présent dans « l’ici et maintenant ». Perdre cette capacité, c’est prendre le risque de se perdre soi-même.

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